Publication originale le 18 juillet 2016 par Hugo Vandal-Sirois
La traduction est souvent perçue comme une opération de dernière seconde, alors que l’annonceur réalise que son message pourrait être utilisé pour séduire ou convaincre les consommateurs d’un autre marché. Les traducteurs se retrouvent alors devant le fait accompli : ils doivent adapter un message qui a été conçu sur mesure pour une autre culture. Bien que ces experts de la communication fassent preuve d’une grande ingéniosité pour trouver des solutions efficaces à ces défis linguistiques et culturels, il est indéniable que travailler tout au bout de la chaîne de création stratégique les place parfois dans de périlleux casse-têtes.
Heureusement, de plus en plus d’agences de publicités et d’annonceurs comprennent les avantages d’impliquer les traducteurs plus tôt dans le processus stratégique et de les consulter à l’avance pour savoir si telle ou telle campagne pourrait voyager facilement dans différentes cultures.
Une agence a poussé l’idée encore plus loin, et a fait de la traduction la pierre angulaire d’une campagne massive, qui a connu un énorme succès critique et commercial, en jouant justement sur les rencontres et les chocs culturels. Ainsi, la marque de chocolats roumains Rom suscitait bien peu d’intérêt chez les jeunes consommateurs, qui préféraient les marques américaines. Le chocolatier, intimement lié à son pays d’origine, notamment par le drapeau roumain qui couvre l’emballage du produit, a décidé d’aborder ce problème de façon assez directe. Le drapeau roumain a subitement été remplacé par le drapeau américain, les présentoirs se retrouvaient ornés d’aigles à têtes blanches et d’étoiles et plus important encore, toutes les communications de la marque, des publicités et du site Web, ont été traduites en anglais. Il n’en fallait pas plus pour éveiller une vague d’affection chez les Roumains, qui n’hésitèrent pas à envahir la rue et les ondes pour réclamer le retour au roumain! Le débat s’est bien sûr déplacé rapidement vers les réseaux sociaux, où encore une fois les traducteurs s’amusaient à jeter de l’huile sur le feu en passant du roumain à l’anglais, et où le président diffusait des messages dans la langue de Shakespeare. Et puis, coup de théâtre! Rom révèle que ce n’était qu’une blague, soigneusement élaborée pour taquiner les Roumains. Les emballages d’origine retournent immédiatement en magasin et les traductions anglaises disparaissent pour faire place au roumain. Par la suite, on observa une hausse considérable des ventes des chocolats Rom… qui ont même surpassé les marques américaines!
Cela illustre parfaitement l’importance de bien connaître la culture avec laquelle on souhaite communiquer et cela démontre l’importance stratégique que les traducteurs peuvent avoir dans les opérations de marketing… si on les laisse utiliser toutes les cordes qu’ils ont à leur arc!